Entre Perrault et Disney : La bella addormentata nel bosco de Respighi

LogoComposée originairement pour le Teatro dei Piccoli de Vittorio Podrecca, La bella addormentata nel bosco d’Ottorino Respighi a enchanté le public du théâtre de la Croix-Rousse. Un conte fantastique célébrant le rêve et le monde Disney

Si le Festival Verdi approche à grands pas, l’Opéra de Lyon  continue sa programmation lyrique avec deux opéras « hors les murs ». Nous vous parlerons du Journal d’un disparu de Leoš Janáček (au TNP de Villeurbanne) dans les prochains jours : ici il est question de redécouvrir un petit chef-d’œuvre qu’Ottorino Respighi conçut en premier lieu pour le théâtre de marionnettes de Vittorio Podrecca. La bella addormentata nel bosco, en ces jours au théâtre de la Croix-Rousse, est une « fable lyrique » envoûtante et douce, qui conquiert le regard d’enfant de tous les spectateurs. Barbora Horáková conçoit un monde de chiffons e d’accattoni (inspiré d’un récent voyage à Bali), où l’annonce de la naissance d’une petite princesse est accueillie comme une véritable apparition, l’opportunité de transformer l’impalpable en joie visuelle : l’émergence des lucioles. Un sentiment visuel d’Arte Povera (la Venere degli stracci de Michelangelo Pistoletto, la structure des habitations qui rappelle tant Kounellis que Fabro) imprègne cet univers suburbain et devient le théâtre de cette fable de Perrault, réécrite par Gianni Bistolfi. Une mise en scène convaincante dans son ensemble et dans sa capacité à se prêter à des cadres différents. Sur scène, outre les chanteurs, prennent place aussi les musiciens et le chef, placés à la gauche du spectateur. Cette proximité ne gêne aucunement le déroulement de l’histoire au point d’être utilisée pour des rapides échanges entre les deux troupes. Le chef Philippe Forget se montre très discipliné et l’interprétation de la composition fantastique et hétérogène de Respighi est claire et persuasive (malgré l’absence de contrebasse dans la dernière partie de l’opéra à cause du malaise du titulaire Jorgen Skadhauge).

En ce qui concerne les personnages, il est primordial de souligner le rôle de la fée bleue (une lumineuse Henrike Henock) qui parcourt ce petit opéra en lui donnant une armature onirique. La soprano allemande fascine grâce à un chant puissant et joyeux qui structure la pièce sans point l’appesantir.

Le rôle du roi revient à Jan Żądło et le baryton polonais, si peu régal dans son costume, exhibe sa noblesse dans le chant. Sa voix colore la pièce d’un degré aristocratique inattendu même si son dialogue avec la reine (Beth Taylor) reste assez ludique et joyeux.

« Primavera » est le premier mot énoncé par la princesse (Nikoleta Kapetanidou) et cela est symptomatique d’une nouvelle vie, d’un nouveau cycle d’existence. Une soprano claire, dont l’articulation des mots est extrêmement précise au point de devenir presque didascalique. Le regard de la Kapetanidou est le punctum de cette pièce : perçant, empli d’un pouvoir de renversement de la mort, le regard est le point de rupture de l’enchantement. Seulement dans l’après-coup, le pouvoir de la terrible condamnation peut être renversé avant d’être effacé complètement. L’accomplissement parfait de cette négation de la mort se réalise définitivement grâce à l’apport du prince (Grégoire Mour) et, particulièrement, dans la déclaration d’amour de ce dernier à la princesse. La fable peut ainsi parvenir à sa conclusion, véritable danse de couleurs imaginée dans des tons disneyens par la Horáková, où la valse, la comédie musicale et le fox-trot, se réunissent dans un hymne au bonheur.

Spectacle vu le mardi 6 février 2018

Le spectacle a lieu :
Théâtre de la Croix-Rousse
Place Joannes Ambre – Lyon
mardi 6, mercredi 7, vendredi 9, samedi 10, mardi 13 et mercredi 14 février 2018 à 19h30, dimanche 11 février à 15h

L’Opéra de Lyon, en coproduction avec l’Opéra de Montpellier et en coréalisation avec le Théâtre de la Croix-Rousse, présente :
La bella addormentata nel bosco
musique d’Ottorino Respighi
opéra en trois actes
1922
livret de Gianni Bistolfi d’après Charles Perrault
en italien
nouvelle production

direction musicale Philippe Forget
mise en scène Barbora Horáková
décors et costumes Eva Maria van Acker
lumières Michaël Bauer
chorégraphie James Rosental
orchestre, maîtrise et studio de l’Opéra de Lyon

La fée bleue / Le rossignol / le fuseau   Henrike Henoch
Le roi / Le bûcheron / L’ambassadeur   Jan Zadlo
La reine / Le coucou / Le chat   Beth Taylor
La Princesse   Nikoleta Kapetanidou
Le Prince / Le bouffon   Grégoire Mour
La Duchesse / La vieille dame   Ana Victoria Pitts
Mister Dollar / fée verte   Angelo Rinna

durée  1h15

www.opera-lyon.com