Occupy Scotland

Deuxième volet du Festival Verdi, le Macbeth de l’Opéra de Lyon ne conquiert pas. Malgré la direction parfaite de Daniele Rustioni et l’intelligente mise en scène d’Ivo van Hove, la production lyonnaise ne perce pas et laisse une sensation d’amertume

Ne passera pas à la postérité cette nouvelle distribution de la production de 2012 du Macbeth en ce moment à l’Opéra de Lyon. Et c’est véritablement dommage car le travail d’Ivo van Hove se révèle hautement intéressant dans sa mise à jour du travail que Verdi et Piave reprirent du chef-d’œuvre shakespearien. Nous ne sommes plus dans les brumes d’Ecosse mais plongés dans un éléphantesque et standardisé lieu de la finance. Les scénographies ouvertes de Jan Versweyveld permettent une grande circulation des personnages et des dynamiques curieuses et inquiétantes (et qui restent dépositaires de tous nos espoirs, comme dans le cas de la femme de ménage qui suit les personnages et qui se joindra à la révolte). Le même sentiment d’une vie hypodermique apparait dans les vidéos du premier acte, presque des photos en négatif possédant une vie grouillante de possibilités. Dans cette grande salle d’analyse du marché boursier, les cercles de sorcières bâtissent un premier chœur qui apparait immédiatement faible et désordonné. On retrouvera cette impuissance tout au long de l’opéra, vivifiée seulement dans les finales des actes grâce aux demandes explicites de Rustioni qui parvient à donner le ton grandiose nécessaire à la tension ultime.

Le ténor Elchin Azizov ne convainc pas dans le rôle de Macbeth, paraissant vulnérable face à un Banco solennel déjà au premier acte. Les tentatives de récupération atteindront parfois leur but, sauvant une prestation qui demeure au final plutôt médiocre. Susanna Branchini a été une belle et élégante Lady Macbeth, assez puissante, mais sans profondeur. Cette amertume dérive d’un manque de vie, de passion. Nous avons vu une image de Lady Macbeth et non pas la réalité de son être, ses turbulences et ses peurs. Parallèlement, les grands aigus deviennent très scéniques afin de suppléer à cette carence vitale. Hâtive, elle ne brille non plus dans l’aria La luce langue et les applaudissements éreintés sont le reflet du niveau de sa performance, toutefois beaucoup plus équilibrée dans la deuxième partie et, notamment, dans le dernier acte.

Saluons cependant la prestation de Roberto Scandiuzzi, basse à la voix noble et au chant fascinant. L’interprète du général Banco est apparu initialement comme le seul à la hauteur de la tâche. Sa disparition prématurée de l’opéra est un coup dur, et particulièrement pour les spectateurs. Mais une belle révélation foudroie la soirée avec l’aria O figli/O figli miei. C’est Macduff (Leonardo Capalbo) qui déplore toutes les morts provoquées par Macbeth et dans la voix du ténor italien se profile déjà l’appel à la révolte, tant vers les réfugiés écossais que vers un chœur trop somnolent.

Le fond de la scène accueille les images des manifestations pacifiques et bariolées d’Occupy Wall Street, et on retrouve ici le modus operandi de Bill Viola et ses ralentissements énergétiques. Macbeth se dissout dans cet hymne à la vie, dans une négation de la mort qui s’obtient, encore une fois, par et à travers la mort. Une fête visuelle à la Cenerentola clôt un Macbeth loin d’être mémorable.

Une petite note finale pour le nouveau chef permanent de l’orchestre de l’Opéra, le milanais Daniele Rustioni : lumineux, énergique, Rustioni donne son corps entier à la réanimation de la soirée, démultipliant les efforts pour contrebalancer ce qu’il se passe sur scène. Un élan vital qui n’atteint son but qu’à moitié mais nous laisse espérer pour le futur de l’Opéra.

Spectacle vu le 21 mars 2018

Le spectacle a lieu :
Opéra de Lyon
1 Place de la Comédie – Lyon
vendredi 16, mercredi 21, mardi 27, samedi 30 mars, mardi 3 et jeudi 5 avril 2018 à 20h, dimanche 25 mars à 16h

L’Opéra de Lyon présente :
Macbeth
de Giuseppe Verdi
opéra en 4 actes
première version créée au Teatro La Pergola de Florence le 14 mars 1847 (deuxième version : Théâtre Lyrique de Paris, le 19 avril 1865)
livret de Francesco Maria Piave, d’après William Shakespeare
en italien
direction musicale Daniele Rustioni
mise en scène Ivo van Hove
décors et lumières Jan Versweyveld
costumes Wojciech Dziedzic
video Tal Yarden
dramaturgie théâtrale Janine Brogt
dramaturgie musicale Jan Vandenhouve
chef des chœurs Marco Ozbic

Macbeth   Elchin Azizov
Lady Macbeth   Susanna Branchini
Banco   Roberto Scandiuzzi
Macduff   Leonardo Capalbo
Médecin   Patrick Bolleire
Malcolm   Louis Zaitoun
La suivante   Clémence Poussin

orchestre, chœurs et Studio de l’Opéra de Lyon
durée 3h avec une entracte

www.opera-lyon.com