La musique de l’esprit, la danse du corps christique

La chorégraphe Jöelle Bouvier s’est chargée d’un défi extraordinaire : celui de concevoir un corps dansant sur la musique cérébrale de Richard Wagner. Et son Tristan & Isolde, présenté à la Maison de la Danse, a montré le courage de ce choix et la parfaite rencontre entre une corporalité à la fois légère et ancrée dans la terre et une musique communément considérée comme imperméable à la danse


Construire une corporalité dansante à l’intérieur de la musique de l’esprit wagnérienne. Chargée de cette tâche antinomique par Philippe Cohen, le directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève, la chorégraphe Jöelle Bouvier réussit, avec son Tristan & Isolde, un condensé précis et émouvant du grandiose opéra de Wagner.

Si l’ouverture de la pièce est conçue comme un enchaînement de flashs visuels qui racontent le drame de la mort de Morold et la dramatique rencontre entre Tristan et Isolde, la suite des événements crée une linéarité esthétique qui frappe par sa précision. Isolde (Madeline Wong) retrouve Tristan (Geoffrey Van Dick) et les deux se retrouvent enlacés à jamais grâce à ce philtre de la mort/amour, symbolisé par deux cordes qui sont à la fois le délice et la condamnation. La présence des deux protagonistes est tellement importante qu’elle atteint presque l’effacement des autres acteurs sur scène, notamment le rôle du roi Mark. Une volonté assez claire de la part de la chorégraphe suisse qui, en célébrant l’amour, réussit aussi dans son défi de résister à une lecture sentimentale de l’opéra. Et on le remarque bien tant dans l’extraordinaire ballet de la nuit d’amour, où l’on oublie la menace du traditeur Melot, que dans la scène du blessement de Tristan. Ici, le corps du héros des Cornouailles devient un corps christique, crucifié et conscient de la mort. Son corps est un corps qui, dans la mort, s’apprête à mourir : pléonasme d’une intensification dramatique. Il s’agit d’une obligation mondaine, celle de franchir l’étape ultime qui représente, aussi, la seule possibilité de la réalisation de l’amour éternel. Voici que le sacrifice terrien devient nécessaire pour célébrer l’idéal transcendant : Tristan, comme le Christ, est contraint à la mort par les lois des hommes et il ne pourra retrouver son aimée que dans ce mouvement final, à la fois horizontal – les houles qui symbolisent le côté mondain – et vertical – l’ascension au ciel – qui compose une définition presque picturale de l’extase de l’amour.

Le spectacle a eu lieu :
Maison de la Danse
8 avenue Jean Mermoz – Lyon
samedi 8 avril 2017 20h30, dimanche 9 15h00, lundi 10 19h30, mardi 11 20h30, mercredi 12 19h30 et jeudi 13 20h30

La Maison de la danse a présenté
Tristan & Isolde « Salue pour moi le monde » – Ballet du Grand Théâtre de Genève
directeur général Tobias Richter
directeur du Ballet Philippe Cohen
avec le soutien de Pro Helvetia
chorégraphie Joëlle Bouvier
assistants chorégraphe Rafael Pardillo et Emilio Urbina
musique Richard Wagner
scénographie Emilie Roy
costumes Sophie Hampe
lumières Renaud Lagier

avec
Madeline Wong Isolde
Geoffrey Van Dyck Tristan
Armando Gonzalez Besa Le roi Mark
Sara Shigenari Le Témoin
Yumi Aizawa, Céline Allain, Louise Bille, Ornella Capece, Tiffany Pacheco,
Mohana Rapin, Lysandra van Heesewijk, Valentino Bertolini, Natan Bouzy, Zachary Clark, Xavier Juyon, David Lagerqvist, Nathanäel Marie, Simone Repele, Sasha Riva, Nahuel Vega

Ballet du Grand Théâtre de Genève
directeur du Ballet Philippe Cohen
adjoint du Directeur du ballet, régie de scène Vittorio Casarin
coordinatrice administrative Emilie Schaffter
maîtres de ballet Grant Aris, Grégory Deltenre
pianiste Serafima Demianova
directeur technique Philippe Duvauchelle
régisseurs lumières Alexandre Bryand, Arnaud Viala
régisseurs plateau Mansour Walter, José Manuel Rodriguez
son Jean-Marc Pinget
habilleuses Caroline Bault, France Durel

www.maisondeladanse.com
www.geneveopera.ch/le-ballet/presentation