Une édition aux couleurs de l’Afrique et de la jeunesse

BiennaleLa Biennale de la danse de Lyon se déroulera du 1er au 16 juin investissant une quarantaine de communes de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Une occasion à ne pas rater pour renouer avec l’art chorétique et ses déclinaisons contemporaines.


Initialement prévue du 26 mai au 16 juin 2020, la Biennale de la danse aura finalement lieu un an plus tard, couvrant les seize premiers jours du mois prochain et permettant aux passionné.es de retrouver ce grand événement. Une 19e édition que la directrice Dominique Hervieu a voulu fortement inscrite dans la Saison d’Africa2020, projet panafricain et pluridisciplinaire porté par l’Institut Français et centré sur l’innovation dans les arts, les sciences, les technologies, l’entrepreneuriat et l’économie. Elle accueillera des créations et des chorégraphies d’artistes provenant de 16 pays africains, évoquant la grande richesse de cultures, langages, panoramas, expériences différentes de ce continent.

Le 1er et 2 juin la Biennale s’ouvrira de concert avec un autre grand événement lyonnais : les Nuits de Fourvière. Un double événement commun prendra ainsi place sur la scène du grand théâtre de la « colline qui prie », à la croisée entre danse et musique, où la voix de la chanteuse Camille s’enlacera avec la danse de la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin. Une multiplicité dans l’unicité (Deleuze et Guattari docent). Le grand théâtre accueillera ensuite, le 9 et le 10 juin, Omma, la nouvelle création du chorégraphe franco-serbo-hongrois Josef Nadj avant de clore le triptyque Biennale/Nuits le 13 et le 14 juin avec Room with a view, croisement entre la musique électronique de Rone et la puissance expressive du collectif (LA)HORDE.

En raison du contexte sanitaire, le traditionnel grand défilé ne se déroulera malheureusement pas dans les rues de la ville. Fourvière reprendra le témoin et sera le théâtre d’une parade dans un format totalement inédit conçu expressément afin de pouvoir maintenir l’esprit en respectant toutes les contraintes sanitaires. Trois représentations se dérouleront le 5 et le 6 juin en partenariat avec les Nuits de Fourvière, devant un public assis composé exclusivement des participants et de leurs familles. Afin de rendre cet événement accessible au plus grand nombre, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes transmettra les temps forts du défilé sur ses ondes. La chanteuse et musicienne Fatoumata Diawara et la danseuse et chorégraphe Germaine Acogny seront les marraines du défilé de cette année.

Mais la grande nouveauté de cette 19e édition sera L’expérience Fagor qui investira du 8 au 16 juin, les anciennes usines Fagor, lieu désormais rentré de droit dans la programmation fixe de la Biennale d’art contemporain. Il s’agira d’une section inclusive, visant la jeunesse et totalement gratuite. Onze créateurs sont allés à la rencontre de jeunes de la métropole afin de leur permettre de présenter au public des œuvres chorégraphiques aux formats inhabituels : court, gigantesque, déambulations, conférences et installations vidéo. Une riche programmation inaugurée par la déambulation ciné-chorégraphique de Christophe Haleb, Entropic Now, et par Cher futur moi de Irvin Anneix, installation-vidéo interrogeant les désirs et les problématiques des jeunes qui prend la forme d’un dialogue avec le soi-même futur. Brigel Gjoka et Rauf «RubberLegz» Yasit vont à la rencontre avec l’œuvre de William Forsythe dans leur Neighbours (Part I) tandis que Noé Soulier pose un regard critique envers son propre travail afin de recréer sa pièce Removing, d’où le titre Romoving Reset, œuvre pour 40 danseurs dont le phrasé est axé autour de trois actions : frapper, éviter, jeter. Nach proposera Nulle part est un endroit, conférence dansée ancrée sur la puissance de la danse krump, Saïdo Lehlouh, avec son Apaches, hybridera le b-boying avec d’autres styles pour célébrer la liberté corporelle et nous plongerons ensuite dans un battle urbain avec Master Cypher du Concept All 4 house et Ousmane Sy.

Les Usines Fagor seront aussi un espace d’expression interactif grâce d’abord à Vibes, application de rencontre chorégraphique et sonore permettant aux utilisateurs de partager un moment dansé à l’aide d’un guide audiovisuel, et à l’installation numérique de Pierre Giner I-Dance, permettant de créer un avatar capable de se lancer sur le dancefloor. Il y aura aussi de la place pour Loto3000, un « loto chorégraphique participatif » conçu grâce au Collectif ÈS, véritable revisitation d’une pratique liée à un événement populaire et pour Inouï de Thierry Thieû Niang, déambulation performative axée sur la construction identitaire des adolescents.

Au-delà de cette programmation spécifique étudiée pour ce nouveau lieu de la Biennale, nous retrouverons le plaisir d’une longue série de pièces investissant les lieux classiques de cet événement, en commençant par Qudus Onikeku avec re:INCARNATION (au Radiant-Bellevue) qui revisite l’afrobeat des années 70 en s’appuyant sur la philosophie Yoruba et A un endroit du début de Germaine Acogny, mise en scène par Mikaël Serre, qui s’emparera de la scène du Théâtre de la Renaissance d’Oullins pour un solo à la recherche des origines et des ancêtres, entre mémoire familiale et résonnances ancestrales.

Le théâtre de la Croix-Rousse accueillera Wakatt de Serge Aimé Coulibaly et Magic Malik, une pièce engagée portée par un regard bienveillant qui puise ses esthétiques dans une infinité de références dans l’exploration de la peur, du désir et de la beauté.

Nous retrouverons la Maison de la danse pour trois pièces : Vocabulary of need de Yuval Pick, rencontre de grande intensité portée par huit interprètes avec l’univers sonore de Johann Sebastian Bach ; Les hauts plateaux de Mathurin Bolze, travail mettant en scène le concept de ruine, de son pouvoir de trace mnésique et d’évocation au croisement des temps lointains au centre de sa réflexion, et Elenit d’Euripides Laskaridis, étrange et décapant univers du jeune prodige de la scène grecque.

Après notre découverte en 2017 de son The Great Tamer à Avignon, nous replongerons dans l’intransigeant monde de Dimitris Papaioannou avec sa nouvelle création Transverse Orientation (au TNP), théâtre physique déclenchant des sensations intenses.

Troisième chorégraphe grec (devenu désormais citoyen suisse) invité à la Biennale, Ioannis Mandafounis propose deux créations aux Subsistances: l’une, Dancing In Your Head, interprétée par le CNSMD de Lyon et la deuxième, hors cadre, One One One, travail expérimental pour deux danseurs. Toujours aux Subs, nous pourrons voir les cinq commandes de création de solos que le Ballet de l’Opéra de Lyon a sollicité à Claire B & Adrien M (Vanishing Act), Marcos Morau (Love), Rachid Ouramdane (jours effacés), Nina Santes et Noé Soulier (La venerina). Le résultat est une série d’œuvres très singulières qui nouent évocation et ancrage dans le corps du performeur.

Itmahrag, nouvelle création d’Olivier Dubois (aux Usines Fagor), est une dance incendiaire, traversée par une musique saturée, violente, marquant une urgence performative qui exige une nouvelle écoute. Nous retrouvons une énergie similaire dans Queen Blood d’Ousmane Sy au Radiant-Bellevue, où le corps féminin évolue dans l’espace au rythme de la musique house. L’émancipation sera le centre d’Urgence la pièce d’Antoine Colnot, Anne Rehbinder et Amala Dianor (Espace Albert Camus, Théâtre Jean Marais) dont la prise de parole radicale est la marque irréductible.

Mal – Embriaguez Divina (au TNP) de Marlène Monteiro Freitas est une réflexion chorétique sur le concept du mal dans toutes ses significations, traversant les civilisations et les époques tandis que la joie sera le fil conducteur de Muyte Maker (au TNG) de Flora Détraz, où quatre figures féminines mènent une traversée de l’histoire déjantée et fascinante.

Au-delà de la ville de Lyon, la Biennale de la danse investira une quarantaine de communes de la région et s’étendra au-delà des frontières temporelles investissant des lieux jusqu’en octobre. Plusieurs pièces seront à l’honneur dans les salles régionales : Mulïer de la Cia. Maduixa (Le Toboggan à Décines, Le Sémaphore à Irigny, Théâtre Théo Argence à Saint-Priest, L’Atrium à Tassin-la-Demi-Lune), IE [famille] de la Cie Als et Cécile Laloy (Comédie de Saint-Etienne), Derviche de Bab Assalam et Sylvain Julien (au Théâtre de Die et du Diois), Tu me suis ? du collectif 4e souffle et Muriel Henry (Centre Charlie Chaplin de Vaulx-en-Velin et à l’Espace Alpha de Charbonnières-les-Bains), Nocturnes / Beethoven 6 de Thierry Malandain (Opéra de Saint-Etienne), everything is temporary du Collectif A/R (Théâtre d’Aurillac), OÜM de Fouad Boussouf (La Mouche à Saint-Genis-Laval), Carmen Torô, Torö, Torõ de José Montalvo (Polaris de Corbas), Dans le détail de Denis Plassard (Maison Le Corbousier à Firminy, Théâtre Jean Vilar à Bourgoin-Jallieu) et les deux nouvelles créations d’Amala Dianor Wo-Man et Point Zéro (MAMC de Saint-Etienne, Théâtre de Cusset).

Nous signalons aussi le seul report, celui de la première mondiale du Lac des Cygnes d’d’an qui ne sera pas présenté dans le cadre de la Biennale mais intègrera la prochaine saison de la Maison de la danse au mois de décembre.

Impatients de retrouver ce festin dansant, nous vous donnons rendez-vous dans les prochaines semaines pour un regard plus rapproché sur les pièces de cette 19e édition de la Biennale de la danse.

Biennale de la danse
du 1er au 16 juin 2021
divers lieux à Lyon, en Métropole et en Région
www.labiennaledelyon.com