La force inouïe des prodromes du Risorgimento

Après l’avant-première au mois de novembre à l’Opéra de Lyon, l’Attila dirigé par Daniele Rustioni retrouve Lyon pour le très attendu Festival Verdi. L’opéra du compositeur italien, sublimé par ses interprètes, a reçu un succès fort mérité à l’Auditorium de la capitale des Gaules

L’Attila représente un tournant fondamental dans l’œuvre de Giuseppe Verdi puisqu’il clôt la phase patriotique après laquelle le compositeur des Roncole se consacrera à un travail axé plus sur l’introspection et les émotions que sur les idéaux. Le livret, composé par Temistocle Solera et révisé par Francesco Maria Piave, peint une fresque de revanche sur les envahisseurs et de célébration de la force italienne, avec un clin d’œil à la ville qui avait été élue pour accueillir la présentation de la nouvelle création verdienne : Venise. Si l’action se déroule principalement à Aquilée, c’est grâce à une poignée de rescapés aquiléens que la ville des Doges verra la lumière. La filiation directe des vainqueurs d’Attila sut enflammer les spectateurs de la Fenice, très touchés par cet élan patriotique, véritable force karstique prête à exploser dans une Italie qui s’approchait à grands pas du Risorgimento.

Un opéra qui demeure parmi les points d’orgue de Verdi et, malgré la raréfaction subie dans le dernier siècle, ce travail montre encore sa richesse et sa force, dans la partition comme dans les productions qui parsèment la géographie mélodramatique mondiale. Les chœurs solides et fascinants résonnent assez clairement du chef-d’œuvre de quatre ans plus tôt, le Nabucco, créé en 1842. Dans cet esprit, le remarquable travail de Barbara Kler de préparation des chœurs s’impose idéalement dans l’après-midi dominicale lyonnaise, présentant une structure imposante et fascinante.

La direction de Daniele Rustioni, nouveau chef d’orchestre permanent de l’Opéra de Lyon, effleure la perfection. Sa conduction passionnée, ses gestes dont l’assurance semble naturelle, ses regards sévères et attentifs, sculptent une production de très haut niveau. La ville de Lyon peut se dire chanceuse d’être devenue le lieu d’élection de ce jeune et extraordinaire chef d’orchestre milanais.

Côté chanteurs, nous avons été subjugués par les interprétations de Dmitry Ulyanov et Massimo Giordano, respectivement Attila et Foresto. Si la basse russe a su peindre un parfait personnage verdien, dont la profondeur et l’attitude ont incarné la puissance destructrice du chef des Huns, Giordano s’inscrit parfaitement dans la tradition des grands ténors italiens, dont le chant ardent et passionné concrétise les sentiments patriotiques les plus sincères. L’interprétation de Foresto a été, en outre, très convaincante grâce au respect de l’épaisseur propre de la trame narrative de l’opéra. Giordano est la voix purement dramatique, voire celle qui mène l’action, qui imprime la force nécessaire pour provoquer la suite des événements. A l’opposé, la voix d’Odabella est tragique, celle d’une verticalité hiératique. La tessiture de la soprano Tatiana Serjan se révèle remarquable, très équilibrée et les aigus, possédant une puissance critique, n’ont point dépassé la limite. Serjan réussit dans son défi de créer un personnage tragique, prêt à exploser, mais sans que cela chevauche les voix de ses compagnons. La tension investit ce personnage sans jamais devenir insoutenable.

Très intéressante aussi l’interprétation de l’ambassadeur romain Ezio par le baryton russe Alexeï Markov, dont le chant élégant a su fasciner l’auditorium à chacune de ses interventions. Souffrant de la surpuissance de ses collègues, l’Uldino de Grégoire Mour est apparu inévitablement précaire, mais son interprétation est restée respectable.

Le spectacle a eu lieu :
Auditorium – Orchestre National de Lyon
149 Rue Garibaldi – Lyon
dimanche 18 mars 2018 à 16h

L’Auditorium-Orchestre National de Lyon et l’Opéra de Lyon ont présenté :
Attila
drame lyrique en trois actes avec prologue, 1846
de Giuseppe Verdi
livret de Temistocle Solera et Francesco Maria Piave
direction musicale Daniele Rustioni
préparation des chœurs Barbara Kler
orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon

Attila   Dmitry Ulyanov
Ezio   Alexey Markov
Odabella   Tatiana Serjan
Foresto   Massimo Giordano
Uldino   Grégoire Mour

en coproduction avec le Théâtre des Champs-Élysées

durée 2h30 avec entracte

dans le cadre du
Festival Verdi 
du 16 mars au 6 avril 2018
à l’Opéra et à l’Auditorium de Lyon

www.opera-lyon.com
www.auditorium-lyon.com