La légèreté d’un sourire estival

La soirée de mercredi 18 juillet a été sûrement une des plus belles de cette édition des Nuits de Fourvière grâce à la performance remarquable des néerlandais Nits et à l’univers raffiné de Belle and Sebastian

La longue histoire du groupe Nits – impossible à résumer en quelques lignes – relève d’une pop extrêmement raffinée et jamais banale, qui rappelle, pour le traitement haut de cette musique, The Go-Betweens. Pendant une heure, le chanteur Henk Hofstede et ses acolytes Robert Jan Stips au clavier et Rob Kloet à la batterie, nous ont pris par la main et, dans une Babel linguistique, nous ont permis de rencontrer le méconnu écrivain Jan Hendrik Frederik Grönloh (dans l’incompréhensible et fascinant italien de Nescio), avant de nous inviter dans la maison des grands-parents d’Henk et d’assister à un passage télé de Salvatore Adamo (Yellow Socks & Angst – Yo), ou dans celle de ses parents où, pendant la guerre, la mère avait caché un garçon juif, dans une dangereuse proximité avec le voisin nazi (Lits-Jumeaux travaille une spécularité des antipodes). Notre promenade a continué dans un paysage fait de collages et de Kraftwerk (Radio Orange), traversant un lieu dadaïste et pourtant austère (Port of Amsterdam), jusqu’à ce qu’un vent aux accents franco-allemands finisse pour nous emporter, sous les notes provenant d’un invisible cabaret (Adieu Sweet Bahnhof).

Après le très réjouissant retour (après presque 20 ans) à Fourvière des néerlandais, il était temps d’accueillir un autre groupe historique, les écossais Belle and Sebastian. Le set est inauguré par la très rythmée Nobody’s Empire, avant d’exploser dans une danse envoûtante avec I’m a Cuckoo. Le sourire s’impose d’ores et déjà sur les visages des spectateurs et une sorte de joie contagieuse dépourvue de but et posée sur elle-même. On enchaîne avec We were Beautiful, single de lancement du dernier How to Solve Our Human Problems (Matador, 2018), là où nous perdons toute notion de la distanciation entre « old song » et « new song » car ici repose la quintessence de ce magnifique ensemble de Glasgow. Stuart Murdoch se lance ensuite dans un français incertain et fascinant félicitant la France pour avoir gagné la Coupe de Monde, avant de passer à travers une douce mélancolie ave Dog on Wheels, retrouvant subitement la légèreté avec Funny Little Frog et le romantisme avec Sweet Dew Lee.

Murdoch & co. nous invitent donc à danser avec les ombres dans un cimetière (Sukie in the Graveyard), puis à survoler New York (Piazza, New York Catcher) emportés par une douceur que seulement une certaine pop écossaise a su concevoir (nous pensons notamment à Looper, Arab Strap, Delgados, Travis) dans un vol qui touche Lyon et son inoubliable rêveur, Antoine de Saint-Exupéry (I’ll Be Your Pilot). Stevie Jackson à la guitare assure une organisation musicale parfaite, peignant des paysages sonores d’étonnante force et résistance (se lançant aussi dans une touchante interprétation d’Imagine de John Lennon), tandis que Sarah Martin au clavier et violon caresse les compositions avec douceur. La polyinstrumentiste œuvre à la création d’élans de légèreté aussi à travers une flûte qui rappelle le monde enchanté de Nick Drake, ou intervenant vocalement afin d’offrir l’autre côté – ou à « l’altra metà dell’arte » pour faire écho à l’œuvre titanesque de Lea Vergine – de l’univers de Belle and Sebastian. Sa voix nous conquiert immédiatement avec The Same Star et Poor Boy (cette dernière dédiée à Donald Trump). Another Sunny Day est une balade folk dans le très rare et attendu paysage ensoleillé écossais qui anticipe la folie joyeuse de l’hymne du groupe, The Boy With The Arab Strap agrémentée par l’invasion, calculée et bien surveillée, du public sur scène. Le concert pourrait s’achever ici, sur ce merveilleux morceau tiré de l’album éponyme de 1998, mais l’ensemble glaswégien, conquis par la beauté du théâtre antique (« peut-être le plus beau lieu l’où on ait jamais joué) nous offre encore trois petites perles, The Blues Are Still Blue, Get Me Away From Here I Am Dying et Judy and the Dream of Horses, ces deux dernières tirées du deuxième et mythique album du groupe, If You’re Feeling Sinister (Jeepster, 1996). Notre dernière soirée (parfaite) au festival se termine à minuit après trois heures denses de musique et le plaisir d’avoir participé, encore une fois, à l’un des meilleurs festivals de musique de France.

À l’année prochaine, Fourvière !

Le concert a eu lieu :
Grand Théâtre – Parc Archéologique de Fourvière
6 rue de l’Antiquaille – Lyon
mercredi 18 juillet 2018 à 21h00

Le festival Les Nuits de Fourvière a présenté
Belle and Sebastian + Nits

Set Belle and Sebastian
Nobody’s Empire
I’m a Cuckoo
We were Beautiful
Dog on Wheels
Funny Little Frog
Sweet Dew Lee
Sukie in the Graveyard
Piazza, New York Catcher
I’ll Be Your Pilot
The Same Star
Poor Boy
Another Sunny Day
The Boy With The Arab Strap
The Blues Are Still Blue
Get Me Away From Here I Am Dying

Encore
Judy and the Dream of Horses

www.nuitsdefourviere.com
belleandsebastian.com
www.nits.nl