Du pur génie

Une soirée comme rarement on en a vécu aux Nuits de Fourvière. Assister à un concert de Benjamin Clementine signifie avoir la chance d’effleurer le pur génie, dépassant toutes les limites imposées par le format « concert » pour proposer une véritable expérience esthétique dépaysante. Et nous l’avons vécue.

Annoncé par l’arrivée de ses huit musiciens habillés en métallurgistes/chimistes, le londonien nomade Benjamin Clementine se présente sur la scène du théâtre romain de Lyon pour un concert mémorable. God Save the Jungle, deuxième single de l’album I Tell a Fly, dont la sortie est prévue pour le 15 septembre, est un véritable condensé de sensations et de sonorités hétérogènes : on y retrouve Morricone, Tim Buckley, Antony, Tom Waits, l’hymne anglais et le chant lyrique, le tout accompagné par un clavecin (je vous rappelle qu’on est en 2017). De quoi tomber amoureux tout de suite de cet hobo anglais. Et c’est exactement ce que tous les spectateurs présents ce 29 juin 2017 à Fourvière ont ressenti à partir du moment où Clementine a commencé à esquisser son univers musical : un amour inconditionnel. Le concert se poursuit avec Better Sorry than a Safe, véritable destitution de toute la musique rock traditionnelle, et Phantom of Aleppoville premier single du nouvel album. Oui, encore beaucoup d’influences résonnent ici, de la folie de Frank Zappa aux aigus de Tim Buckley, des caresses soul à Nina Simone : des références qui s’enchainent après une ouverture très militaire. Qui s’attendait à un concert composé par des chansons connues s’est retrouvé face à une énorme déception puisque Benjamin décide, contre toute attente, de présenter en avant-première un album qui sortira dans deux mois et demi. Un choix courageux pour un artiste qui a publié un seul album (l’incroyable At Least For Now de 2015) et fait en sorte que le concert lyonnais s’écarte du spectacle d’autosatisfaction pour bâtir un lieu sonore relié aux expériences psychédéliques des sixties et seventies.

Et quand nous avons perdu tout espoir d’écouter les « anciens morceaux », voici que nous subissons deux merveilleuses claques infinies et connues : Condolence et Cornerstone. Pendant de très longues minutes, le refrain I’m sending my condolence/I’m sending my condolence to fear/I’m sending my condolence/I’m sending my condolence to insecurities (dans sa version en anglais et en français) emplit la colline de Fourvière et le public se retrouve obligé de répéter ce refrain jusqu’à la fin des temps, afin d’atteindre la bonne diction : une cours d’énonciation transcendante. Le set se termine avec l’inquiétante Adios, chef-d’œuvre musical composé de tremblements, des morceaux d’un paradis sonore inconnu et de velours : claire démonstration que l’on peut tout faire avec une voix. A condition qu’elle soit divine.

Les rappels ne sont pas le lieu consacré aux chansons que tout le monde voudrait écouter, mais l’espace où l’éternel retour nietzschéen se déploie dans toute sa liberté. Et voici que la nuit lyonnaise de Clementine se dirige vers une répétition ad libitum : tout recommence à zéro et nous plongeons dans la merveilleuse God Save the Jungle avant de nous perdre dans l’infini refrain de Condolence, de plus en plus nocturne jusqu’à la dissipation finale.

Le spectacle a eu lieu :
Grand Théâtre – Parc Archéologique de Fourvière
6 rue de l’Antiquaille – Lyon
jeudi 29 juin 2017 à 21h

Le festival Les Nuits de Fourvière a présenté
Benjamin Clementine

Set
God Save the Jungle
Better Sorry Than a Safe
Phantom of Aleppoville
By the Ports of Europe
Condolence
Cornerstone
Paris Cor Blimey
Adios

Encore
God Save the Jungle
Condolence

www.nuitsdefourviere.com