Une caresse fugace et un univers de violence 

LogoDernière journée du Festival d’Avignon sous le signe de la danse et de la famille des Atrides. Si l’élégance de Raphäel Cottin dans son onirique C’est une légende s’est transformée dans une histoire sentimentale de la danse,  Santa Estasi d’Antonio Latella nous a plongé dans les complexes dynamiques de la plus importante famille de l’Ancienne Grèce : les Atrides

Ultima giornata del Festival d’Avignon quasi interamente dedicata alla seconda parte della corposa opera di Antonio Latella, Santa Estasi – Atridi: otto ritratti di famiglia. Ma prima di immergerci in questo mare mitologico, abbiamo avuto il tempo di assistere ad un breve sogno volteggiante, una storia sentimentale della danza che ha conquistato i giovanissimi spettatori e accarezzato lo sguardo del pubblico più maturo (nel senso più strettamente biografico): C’est une legende de Raphaël Cottin. Dolcezza e nobiltà, ricerca e durezza precipitano nella sua lettura di questa arte per creare un lungo filo che mantiene  tutto l’universo spettacolare del tocco danzante. Pièce monstre della durata totale di sedici ore e mezza (intervalli compresi), suddivisa su due lunghe giornate e compartita in otto momenti diversi, ognuno dei quali concentrato su uno dei personaggi della famiglia e partendo dalle opere di Eschilo, Euripide e Sofocle, Santa Estasi approfondisce, invece, i temi dell’identità, della figura del padre, dell’eredità e della tradizione. Straordinario progetto di lavoro collettivo (Latella ha lavorato alla creazione dell’opera insieme a sette giovani autori) nella quale la drammaturgia lavora le figure mitologiche in una prospettiva di rilettura della nostra contemporaneità, lo spettacolo riesce nell’arduo compito di non stancare mai e di non cadere nell’ovvietà di una lettura moralista della società.

Spectacle pour le jeune public, C’est une légende est un travail qui enchante aussi les adultes. Raphaël Cottin conçoit une pièce qui possède plus les semblances  du rêve que celle d’une leçon. La voix off de Sophie Lenoir est performative : elle annonce et elle crée, façonnant les corps et l’œuvre comme un bon démiurge. De Louis XIV à Pina Bausch, en passant par Isadora Duncan, Rudolf Laban et Alwin Nikolais, la danse devient une créature qui évolue et s’ouvre au monde, acquérant de nouveaux outils et une liberté vitale. Les danseurs se prêtent au jeu des transformations esquivant les dangers de l’illustration, choisissant, en revanche, une volonté abstraite et profondément efficace. La corporalité légère de l’académisme de la danse s’enrichit des possibilités linguistiques avec l’entrée dans le XXe siècle et se diffuse dans les écoles grâce au théoricien Rudolf Laban, pour devenir un art en résonance avec l’histoire de l’art du siècle, avant de retrouver le drame avec Pina Bausch. C’est une légende réussit le défi de proposer une fable aérienne et corporelle, érudite et légère. Une histoire qui devient un instant de beauté.

Travail démesuré et courageux, Santa Estasi bouleverse la tradition et la contemporanéité, interroge le mythe et violente le concept même de « racine » et de « tradition » qui demeurent encore profondément dans notre monde. Nous avions été conquis par le deuxième volet de cette Santa Estasi, par ces quatre pièces autonomes et reliées. On a commencé avec Oreste (dont le rôle principal a été interprété par un merveilleux Christian La Rosa), homme résolu qui écarte les doutes de son existence pour atteindre son but : enfoncer le couteau dans le ventre de celle qui l’a généré. La longue préparation du meurtre est une performance méta-théâtrale aux accents humoristiques. Le geste terminal ouvre sur la punition que les dieux lui réservent dans le chapitre suivant. Terrifiant cauchemar qui plonge Oreste dans la folie, Les Euménides est une pièce politique qui porte le public à participer à la création et aux jugements, tandis qu’Oreste est condamné à interpréter son rôle pour l’éternité.  Iphigénie en Tauride est une quête existentielle, un questionnement sur la Vérité, sur la nature et sur les dieux. C’est ici, en Tauride,  que nous réalisons la force de la grande œuvre organisée par Antonio Latella. Une réécriture jeune et puissante des textes d’Eschyle, Euripide et Sophocle possédant la virulence de s’accrocher à notre monde avec ses griffes pour l’agresser, violemment. Dans les blessures ouvertes par la totalité de cette pièce, nous entrevoyons la matière cachée qui respire. Le monologue final dans Chrysothémis ou le regard désenchanté de Thoas envers le futur sont des instruments apocalyptiques, mais pas destructeurs. Et c’est ici, dans l’espace qui reste, que nous avons la chance de construire notre tradition. Après le sang et la douleur.

Les spectacles ont eu lieu :
CDCN – Les Hivernales
18 rue Guillaume Puy – Avignon
dimanche 23, lundi 24, mardi 25 et mercredi 26 juillet à 11h et à 15h

Gymnase du lycée Mistral
20 boulevard Raspail – Avignon
première partie : mercredi 19, samedi 22 et mardi 25 juillet 2017 à 15h
deuxième partie : jeudi 20, dimanche 23 et mercredi 26 juillet 2017 à 15h

Les Festival d’Avignon a présenté :
C’est une légende
chorégraphie, texte, scénographie Raphaël Cottin
musique David François Moreau
voix Sophie Lenoir
lumière Catherine Noden
costumes Catherine Garnier
collaboration artistique Michel Barthaux
avec Antoine Arbeit, Nicolas Diguet
production La Poétique des Signes
coproduction Centre chorégraphique national de Tours, L’Apostrophe Scène nationale de Cergy-Pontoise, La Pléiade La Riche
avec le soutien de la Fondation BNP Paribas pour la 71e édition du Festival d’Avignon
avec l’aide de l’Université François Rabelais de Tours, La Pratique de Vatan, L’Antarès de Vauréal, Centre national de la danse (Pantin)
co-accueil Festival d’Avignon, CDC Les Hivernales
création 2017
durée 50 minutes

Santa Estasi – Atridi : Otto ritratti di famiglia (2e partie : Oreste, Les Euménides, Iphigénie en Tauride, Chrysothémis)
de Antonio Latella
adaptation Riccardo Baudino, Martina Folena, Matteo Luoni, Camilla Mattiuzzo, Francesca Merli, Silvia Rigon, Pablo Solari
mise en scène Antonio Latella
dramaturgie Federico Bellini, Linda Dalisi
scénographie et costumes Graziella Pepe
musique Franco Visioli
lumière Tommaso Checcucci
chorégraphie Francesco Manetti
assistanat à la mise en scène Brunella Giolivo
assistanat de tournée et surtitrage Silvia Rigon
avec Alessandro Bay Rossi, Barbara Chichiarelli, Marta Cortellazzo Wiel, Ludovico Fededegni, Mariasilvia Greco, Christian La Rosa, Leonardo Lidi, Alexis Aliosha Massine, Barbara Mattavelli, Gianpaolo Pasqualino, Federica Rosellini, Andrea Sorrentino, Emanuele Turetta, Isacco Venturini, Ilaria Matilde Vigna, Giuliana Vigogna
production Emilia Romagna Teatro Fondazione (Modène)
avec le soutien de la Fondation Cassa di Risparmio de Modène
première en France
en italien surtitré en français
durée 7h40 entractes compris

Festival d’Avignon
du 5 au 26 juillet 2017
http://www.festival-avignon.com