Immoralité poétique

Opéra révolutionnaire de Claudio Monteverdi, Le couronnement de Poppée présenté au Théâtre National Populaire de Villeurbanne retrouve l’historique mise en scène de Klaus Michael Grüber. Après une avant-première à l’Opéra de Vichy, le Festival Mémoires de l’Opéra de Lyon arrive dans le Grand Lyon avec trois grandes représentations : outre l’opéra de Monteverdi, on retrouvera le Tristan et Isolde de Wagner et l’Elektra de Strauss

Consacré à la question de la mémoire, le festival annuel proposé par l’Opéra de Lyon réactive trois productions qui ont marqué l’histoire contemporaine de l’opéra : Elektra, dans la mise en scène par Ruth Berghaus de 1986, Tristan et Isolde par Heiner Müller de 1983 et Le Couronnement de Poppée par Klaus Michael Grüber présenté pour la première fois au festival d’Aix-en-Provence en 1999. Si les trois metteurs en scène ont disparu, c’est véritablement grâce à une réactivation productive, et non pas inerte, que ces productions retrouvent la lumière. Co-réalisé avec l’Opéra de Vichy, où il a été présenté en avant-première du 7 au 11 mars, Le couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi, vu par Klaus Michael Grüber représente un véritable tremblement esthétique et culturel. Premier opéra à célébrer l’immoralité, Le couronnement de Poppée marque, comme l’a bien énoncé René Leibowitz, « le commencement de trois siècles d’opéra ». Si l’Orfeo était la célébration de l’idéal courtois et raffiné, le dernier opéra de Monteverdi réalise l’idéal populaire. Un jamais vu qui ouvre le chemin pour une nouvelle expression lyrique.

Retrouver la mise en scène du visionnaire Klaus Michael Grüber (réalisée par sa collaboratrice Ellen Hammer) a été l’un de meilleurs choix de la programmation de l’Opéra de cette année. Les décors de Gilles Aillud (recréés par Bernard Michel) ont montré une scène délicate, voire fragile, capable de nous faire plonger dans cet univers de trahisons, de manipulations mais profondément poétique. Une tragédie élaborée avec génie par Monteverdi et par son librettiste Busenello qui mêle vérité historique et fiction pour faire émerger une beauté adamantine dans un terrifiant chaudron de mort et d’immoralité. Néron, dans la merveilleuse interprétation de Laura Zigmantaite, est le puissant qui règne sur tout l’opéra, tandis que Poppée (Josefine Göhmann) est le catalyseur du système, passant de la fille amoureuse et innocente à la manipulatrice qui est prête à tout sacrifier pour son intérêt personnel. Nous avons particulièrement aimé l’interprétation du mezzo-soprano finnois Elli Vallinoja dans le rôle d’Octavie, la femme de Néron, parfaite tant quand elle dessine le rôle de la femme désespérée, que dans celle qui machine l’homicide de Poppée avant d’échouer et d’accepter le raison d’Etat et, donc, l’exil. Une véritable figure sombre qui s’oppose à la lumière terrifiante du mari. Une mention particulière pour le ténor André Gass dans le rôle d’Arnalta, la nourrice de Poppée : sa présence est vitale pour tout l’opéra, elle bouleverse, passivement, le très riche tissu de perfidies qui se met en place avec un jeu riche en couleurs qui revitalise une interprétation collective parfois trop posée.

Les Nouveaux Caractères, dirigés par Sébastien d’Hérin, ont peint un univers sonore de rêve, montrant la perfection de la composition de Monteverdi, atteignant le pic de cela dans la danse conclusive, quand Néron et Poppée se promettent l’amour éternel. O mia vita, O mi tesoro.

Spectacle vu le 16 mars 2017

Les spectacles continuent :
TNP – Théâtre National Populaire
8 Place du Dr Lazare Goujon – Villeurbanne

L’Opéra de Lyon et le TNP – Théâtre National Populaire de Villeurbanne présentent :
Le Couronnement de Poppée
L’Incoronazione di Poppea
opéra en 3 actes, avec prologue, 1643
livret de Francesco Busenello
en italien
recréation de la mise en scène de Klaus Michael Grüber (Festival d’Aix-en-Provence – 1999 et 2000, Wiener Festwochen – 2000)

direction musicale Sébastien d’Hérin
mise en scène Klaus Michael Grüber
réalisation de la mise en scène Ellen Hammer
décors Gilles Aillaud
recréation des décors Bernard Michel
costumes Rudy Sabounghi
lumières Dominique Borrini

avec
Poppea Josefine Göhmann (7, 11, 16, 19 mars et 20 avril), Emilie Rose Bry (9, 18mars et 19 avril)
Drusilla / Virtù Josefine Göhmann (9, 1 mars et  19 avril), Emilie Rose Bry (7, 11, 16, 19 mars et 20 avril)
Nerone Laura Zigmantaite
Ottone Aline Kostrewa
Arnalta André Gass
Damigella / Amore Rocio Perez
Fortuna / Valletto Katherine Aitken
Famigliare / Pallade James Hall
Famigliare / Mercurio / Soldato Brenton Spiteri
Littore / Liberto Pierre Héritier
Ottavia Elli Vallinoja
Seneca Pawel Kolodziej
Lucano / Soldato Oliver Johnston
Famigliare Aaron O’Hare
Solistes du Studio de l’Opéra de Lyon
Les Nouveaux Caractères
en partenariat avec le Théâtre National Populaire et en co-réalisation avec l’Opéra de Vichy
recréation de la mise en scène de Klaus Michael Grüber (Festival d’Aix-en-Provence – 1999 et 2000, Wiener Festwochen – 2000)

L’Opéra de Lyon présente
Festival Mémoires
du 7 mars au 5 avril 2017
à l’Opéra de Vichy, au TNP de Villeurbanne et à l’Opéra de Lyon

www.opera-lyon.com
www.opera-vichy.com
www.tnp-villeurbanne.com