La danse comme insistance d’une vie

Maison De La DanseLa Maison de la danse ne s’arrête pas et regarde vers le futur. En présentant la saison 2020-2021, la directrice Dominique Hervieu a tracé trois axes principaux pour attaquer l’après Covid-19 : dévoilement, création et célébration.

Comment réagir au moment dramatique que nous avons traversé en demeurant dans la stricte fidélité envers l’objectif culturel de son institution ? Une des réponses les plus fascinantes que l’on puisse avoir, c’est la mise en œuvre d’un plan d’attaque à trois voix dont la vocation serait de dépotentialiser l’élan mortifère de l’arrêt de la culture afin de puiser dans son désœuvrement. Il ne s’agirait donc pas d’une « reprise » ou d’un « retour à la normalité », comme si l’événement du déluge exigeait un refoulement profond et définitif mais, au contraire, de la nécessité de traverser cet événement, son impact et ses effets pour porter sur soi, évitant toute exposition élégiaque, les traces du vécu. Il est donc essentiel de réactiver la spirale créative. Ce lundi 15 juin, la Maison de la danse de Lyon a présenté, exclusivement sur internet, sa nouvelle saison qui débutera en septembre pour nous accompagner jusqu’en juin de l’année prochaine. La saison brusquement interrompue le 13 mars ne sera pas simplement décalée ou remplacé : l’arrêt est devenu l’occasion d’une ouverture de sens et d’une nouvelle modalité de déroulement. C’est avec cet objectif que la directrice Dominique Hervieu a voulu proposer trois moments clé, trois axes autour desquels prendront vie les mouvements créateurs de la danse.

Le premier axe sera celui de la découverte des dessous de la création chorégraphique. A partir du mois de septembre, la Maison rouvrira ses portes pour accueillir le public, gratuitement et en petits groupes, en lui offrant l’inédite possibilité d’assister aux répétitions de plusieurs compagnies, parmi lesquelles nous tenons à citer le collectif Ès, la compagnie HKC et les artistes associés Galactik Ensemble Fouad Boussouf et Amala Dianor. Une initiative visant d’un côté au dévoilement du processus créatif et de l’autre la volonté de proposer une proximité avec les artistes, si lourdement touchés par cette longue sédentarité. Cet « automne de la danse » sera complété par une série de « grandes leçons », une occasion pour rencontrer le work in progress de grands artistes et de responsables des structures, comme Julie Guilbert, nouvelle directrice du Ballet de l’Opéra de Lyon, Rachid Ouramdane, Yuval Pick et les danseurs du CCN et le CND. Mourad Merzouki clôturera cette partie de saison avec la présentation de son Musée imaginaire, un voyage à travers les sources d’inspiration, les influences et l’horizon futur de cette figure incontournable du hip hop français. Depuis toujours ancrée dans la vie quotidienne du 8e arrondissement, la Maison de la danse veut faire perdurer son rôle de lieu solidaire et inclusif, et les initiatives visant les publics plus fragiles investiront les lieux partenaires comme les centres sociaux, les MJC, les associations mais aussi les structures sanitaires et les établissements scolaires.

Le deuxième axe sera représenté par un véritable renouveau. La saison des spectacles débutera ainsi mercredi 4 novembre avec Chaplin du Ballet de l’Opéra National du Rhin, initialement prévu pour mai 2020. Première création française du chorégraphe allemand Mario Schröder, le spectacle est une confrontation corps-à-corps entre l’immense acteur américain et son alter ego Charlot, entre hommage et douce mélancolie. Avec Danser Casa nous assisterons aux retrouvailles entre Mourad Merzouki et Kader Attou, un projet qui part de l’effervescence culturelle de Casablanca pour traverser la Méditerranée tandis qu’avec A passage to Bollywood de la compagnie Navdhara India Dance, nous effectuerons une plongée jouissive dans le kitsch du cinéma indien. La nouvelle année s’ouvrira avec l’opus farfelu et jubilatoire Lil’Acta de Yuval Pick et le très attendu Kind de la compagnie Peeping Tom, troisième volet de l’enquête psychologique et familiale dans le clivage inquiétant et dramatique typique de l’ensemble belge. José Montalvo présentera la lumineuse et résistante héroïne Gloria, le Ballet du Capitole rendra hommage au génie de Rudolf Noureev et Akram Khan nous montrera l’absurdité de la guerre et ses répercussions sur l’humanité. La nouvelle saison sera aussi l’occasion pour découvrir des chorégraphes et des compagnies inédits comme Martin Harriague pour le Malandain Ballet Biarritz, Fouad Boussouf et son hip hop, la compagnie coréenne Ambiguous Dance Company et les interprètes du ballet portugais Companhia Nacional de Bailado, sans oublier l’univers circassien. Nous retrouverons ainsi la compagnie XY avec la reprise de Möbius, le Cirque Le Roux avec La nuit du cerf et le lyonnais Mathurin Bolze avec Les hauts plateaux, interrogation esthétique sur les ruines.

La 9ème édition de Sens Dessus Dessous aura lieu du 22 au 27 février 2021 et sera un festival 100% découverte réunissant six compagnies invitées pour la première fois à Lyon. Jan Martens s’interrogera sur le désir et sur le processus d’écriture d’un spectacle, Flora Détraz sur les représentations sociétales de la femme, Linda Hayford sur l’animalité d’un corps en transformation, tandis que Mickaël Phelippeau retracera la vie de Lou Cantor, fille et interprète de Béatrice Massin, pionnière de la danse baroque. Amala Dianor avec son style hétéromorphe et la compagnie Kukai Dantza avec sa crase entre tradition et contemporanéité clôtureront la très séduisante programmation du festival.

Troisième et dernier axe de la nouvelle saison, la Biennale de la danse aura lieu du 26 mai au 16 juin. Cette 19e édition axera son attention particulièrement sur la créativité africaine (à l’honneur pour le grand défilé du dimanche 30 mai) et la jeune création internationale. Parmi les artistes invités, Angelin Preljocaj qui plongera encore une fois dans la tradition avec son Lac des cygnes, tentative de retrouver le souvenir perdu du ballet vu à l’Opéra de Paris pendant son adolescence, la collaboration entre Antoine Colnot, Anne Rehbinder et Amala Dianor qu’avec Urgence interrogeront le concept d’émancipation. Après l’extraordinaire The Great Tamer, présenté à Avignon en 2017 et à Lyon en 2019, nous retrouverons le génie de Dimitris Papaioannou avec une nouvelle création conçue spécifiquement pour cette biennale. Le chorégraphe nigérian Qudus Onikeku revisitera l’afrobeat des années soixante-dix avec son Re : incarnation tandis que le burkinabé Serge Aimé Coulibaly avec son Wakatt nous présentera son regard aiguisé et engagé dans une proposition profondément politique. Les Usines Fagor seront investies durant cette édition pour proposer un espace inclusif et gratuit à découvrir le 11, 12, et 13 juin. Cette riche présentation n’est pourtant qu’un avant-goût puisque l’ensemble de la programmation sera bientôt dévoilé.

La saison se clôturera par la suite avec le Jeune Ballet du Conservatoire National Supérieur Musique et Danse de Lyon, dernier spectacle des étudiants avant de commencer leur vie professionnelle.

Saison 2020 – 2021 de la Maison de la danse
8 Avenue Jean Mermoz – Lyon
de septembre 2020 au juin 2021

Festival Sens Dessus Dessous
du 22 au 27 février 2021

Biennale de la danse
du 26 mai au 16 juin 2021

www.maisondeladanse.com