Rossini entre nature et spiritualité

Nous avons retrouvé Jean-Philippe Dubor et sa créature Les Siècles Romantiques à l’occasion d’un concert mémorable à la chapelle de la Trinité de Lyon. Sous les ordres du chef d’orchestre, la Messa di Gloria e l’Ouverture de Guillaume Tell de Rossini ont ému les nombreux fidèles des rendez-vous de ce précieux lieu de culture

En guise d’ouverture de soirée, Jean-Philippe Dubor choisit de proposer une composition liminaire du « cygne de Pesaro », l’Ouverture de Guillaume Tell. Dernier opéra de Rossini, le Guillaume Tell a su fomenter un fervent, voire violent, débat lors de sa première à l’Opéra de Paris, le 3 août 1829. Dans le sillage de Beethoven et de sa célèbre méfiance envers les capacités dramatiques de Rossini, maints critiques étaient prêts, ce soir-là, à « tirer avec leur fusil », pour reprendre la formule employée par Massimo Mila. Les plus grandes âmes du romantisme français nourrissaient une haine profonde envers le compositeur italien, et l’occasion avait été choisie stratégiquement pour une déclaration de guerre. Les fusils étaient déjà pointés et quelques coups furent aussi tirés mais, à la conclusion de cette première, les romantiques français n’eurent pas d’autres choix que celui de déposer, enfin, leurs armes, reconnaissant la grandeur de la nouvelle musique romantique (cf. « Quella sera Berlioz perse il fucile », in M. Mila, Mila alla Scala, Milano, Rizzoli, 2001, p. 183-186). De cet opéra fondamental de l’histoire de la musique, le Maestro Dubor a choisi l’Ouverture, symphonie possédant une existence propre par rapport au reste de la grandiose composition et qui présente à elle seule un riche chromatisme. Inauguré par le chant doux et intense du premier violoncelle, l’Andante s’ouvre avec l’entrée des violons et acquiert une sensibilité remarquable. Une description bucolique qui se complexifie pour devenir un éclatement des forces de la nature. L’explosion des tambours met en œuvre le déploiement d’un univers martial et joyeux qui se résout parfaitement dans la fugue finale.

Une première partie éclatante que ne l’on peut pas définir tout simplement comme une « introduction » mais, plutôt, comme une véritable gifle musicale. La deuxième partie de la soirée a été entièrement consacrée à la Messa di Gloria de 1820, une des messes les plus ariose que nous connaissons. La tripartition initiale du KyrieChristeKyrie possède tant le recueillement du thème sacré qu’une certaine légèreté rappellant son travail opératique (nous pensons notamment à La Cenerentola). Mais c’est avec le Gloria que les grands moyens déployés par le chef d’orchestre commencent à agir résolument. Un orchestre dense et puissant, un chœur de 31 éléments plus 4 solistes de niveau. L’entrée joyeuse de cette partie est due au travail délicat des trompettes et des clarinettes et l’apport du soprano, du ténor et de la basse agit dans la sobriété. Si dans le Laudamus Claire-Adeline Puvilland parait légèrement indisciplinée, avec le Gratias la messe prend son envol grâce, notamment, à l’apport d’un extraordinaire Karl Laquit dont le chant sensible et ponctuel représente un des points d’orgues de la soirée. L’entente entre le ténor et le chef est parfaite et le public salue justement avec transport cet accord puissant d’âmes musicales. Dans le Qui tollis le chœur dessine une voûte céleste solide et le premier ténor nous enchante encore avec une interprétation virtuose et dépourvue de tout excès. Jean-Philippe Dubor sollicite constamment l’émotion et il convoque pour cela les regards attentifs de tous les membres de l’imposant ensemble. Avec le Quoniam nous avons finalement la possibilité de profiter de la voix de Ugo Rabec, jusqu’à ce moment circonscrit à des fugaces parties, et son interprétation se révèle un apport important à cette messe qui s’achève peu après dans un Cum Sancto Spirito qui résonne comme une tentative d’éloigner une certaine légèreté, due à l’influence de ses opéras bouffes.

Le bis obligé rappelle sur scène le ténor Karl Laquit pour un fragment du Qui tollis (Qui sedesad) vif et maîtrisé salué par le public par une grande (et juste) ovation. C’est toujours avec un très grand plaisir que nous retrouvons votre musique, monsieur Dubor !

Le concert a eu lieu :
Chapelle de la Trinité
29-31 rue de la Bourse – Lyon
mardi 23 janvier 2018 à 20h

Les Grands Concerts ont présenté
Ouverture de Guillaume Tell | Messa di Gloria

Les Siècles Romantiques
direction Jean-Philippe Dubor

Claire-Adeline Puvilland soprano
Karl Laquit ténor
Tigran Guiragosyan ténor
Ugo Rabec basse

www.lesgrandsconcerts.com