Tradere et innovare

Il reste moins d’un mois avant l’ouverture de la 20e édition de la Biennale de la danse de Lyon, qui se déroulera du 9 au 30 septembre dans 34 communes de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

La Biennale de la danse est un événement particulièrement cher aux Lyonnais, capable d’allier depuis sa création l’aspect populaire et communautaire à celui de la recherche et de l’innovation artistique. Créée par Guy Darmet en 1984, la Biennale est rapidement devenue un événement international majeur, riche d’avant-premières, créations, rencontres et moments de partage.

Après le départ en 2022 de Dominique Hervieu, nommée directrice culturelle des JO de Paris et depuis 2011 à la tête de la Maison de la danse et de la Biennale, l’institution lyonnaise a désigné Tiago Guedes comme son nouveau directeur. La programmation de la nouvelle édition est marquée par ce passage de témoin mais, loin de présenter des césures ou des contradictions, manifeste une grande richesse d’horizons et d’évocations. Parmi les innovations présentes dans cette édition, on ne peut manquer de mentionner la volonté d’investir davantage symboliquement un moment charnière du festival, le défilé de la ville, avancé cette année au 10 septembre, deuxième jour de la Biennale. L’intention semble claire : confier au défilé, dédié cette année au rapport entre l’art et le sport, le rôle d’un événement liminaire et festif, une cérémonie d’ouverture qui dépose précisément l’aspect cérémoniel au profit d’un caractère joyeux et horizontal. Une véritable « parade chorégraphique » composée de douze groupes, soit environ 4 000 participants issus de différents départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui ont travaillé pendant un an, guidés par des chorégraphes en collaboration avec des sportifs, pour concevoir des spectacles publics et gratuits. La manifestation sera ouverte par un prologue du Collectif ÈS sur la place des Terreaux et clôturée par la pièce Les Traceurs de Rachid Ouramdane sur la grande place Bellecour.

48 spectacles seront présentés pendant les 22 jours de la Biennale. 46 chorégraphes et compagnies présents, 460 artistes impliqués et 181 représentations dans 51 lieux. La grande diversité voulue par le relais d’Hervieu-Guedes, avec l’aide précieuse de l’adjointe à la programmation Marianne Feder, se traduit par la présence de 14 pays et pas moins de 21 créations et premières nationales. Le coup d’envoi de la 20e édition sera donné par Christos Papadopoulos et le Ballet de l’Opéra de Lyon avec une nouvelle création qui – le titre est significatif à cet égard, Mycelium – emprunte les structures communicatives du monde mycologique pour construire un discours chorégraphique fascinant. La Grèce sera également représentée par Dimitris Papaioannou et la très attendue première nationale d’Ink, une pièce à la claustrophobie pandémique, dans laquelle le chorégraphe et danseur sera accompagné de Šuka Horn pour un duo aussi tragique qu’ironique. Mais la problématique du confinement peut aussi prendre d’autres formes, comme celles que nous verrons dans Le Grand Bal de la Compagnie Diptik, ou dans Foreshadow d’Alexander Vantournhout et de la compagnie Not standing.

La première édition née sous l’étoile du directeur portugais est une véritable biennale de créations et d’avant-premières. Ce sera le cas avec Phia Ménard qui mettra en scène ART. 13, une réflexion sur le sens et le respect de l’article malmené de la Déclaration universelle des droits de l’homme consacré à la libre circulation, de Yuval Pick avec Silver Rosa (comment créer des liens avec l’évocation de rites et de rituels anciens ?), de la compagnie belge Peeping Tom avec l’apocalyptique S 62° 58’, W 60° 39’, de Boris Charmatz et son Tanztheater Wuppertal Pina Bausch avec Liberté Cathédrale, des solos autobiographiques de Nach (Un endroit partout) et Tom Grand Mourcel (Solus Break), ou de Fouad Boussouf avec l’impétueux Fêu.

La réalité virtuelle et la remise en question de l’identité technologique individuelle seront au centre des travaux de Vincent Dupont et Charles Ayats (No reality now) et de (LA) HORDE/Ballet national de Marseille (Age of Content), tandis que l’histoire de l’art sera le prétexte au questionnement de Sidi Larbi Cherkaoui sur la coercition et la survie (Ukiyo-e) et d’Adi Boutrous qui, avec Reflections, libère la sensualité à travers une corporéité qui s’empare du réel.

La corporéité sera aussi au centre de Les jolies choses de Catherine Gaudet et de GRAND JETÉ de Silvia Gribaudi : jusqu’à l’excès et l’épuisement pour la première, instrument de la grammaire de la danse et incarnation d’une transmission artistique pour la seconde. Les œuvres du Collectif Petit Travers avec le Quatuor Debussy (Nos matins intérieurs) et Flora Détraz (HURLULA – Le concert, articulé sur la voix, le cri et le hurlement) seront quant à elles construites autour de la musique.

En plus de ces grandes nouveautés, la Biennale accueillera également des artistes et des compagnies en tournée avec leurs spectacles. On retrouvera ainsi Marlene Monteiro Freitas avec Guintche, Anne Teresa De Keersmaeker avec EXIT ABOVE, François Chaignaud et Théo Mercier avec Radio Vinci Park, rejoints par Katerina Andreou (Rave to Lament), laGeste et hetpaleis (promise me), Tumbleweed (Dehors est blanc), Lia Rodrigues (Encantado). En plus des nouvelles œuvres présentées pendant la Biennale, les compagnies mentionnées plus haut seront présentes avec d’autres pièces : Le Collectif Petit Travers se produira dans NUIT de 2015 et S’assurer de ses propres murmures de 2020, Phia Ménard rejouera son L’après-midi d’un foehn – Version 1 de 2008, Silvia Gribaudi répliquera Graces, accueilli à la Maison en février dernier, Alexander Vantournhout dialoguera avec Axel Guérin dans Through the Grapevine de 2020 tandis que Fouad Boussouf reproduira YËS de 2021.

Deux artistes seront invités à se confronter à des espaces publics, habituellement boudés par les grands événements : Alessandro Sciarroni proposera sa pièce Save the last dance for me sur la place Lazare-Goujon à Villeurbanne, sur la place Mazagran et à l’UCLy à Lyon, tandis que Marco da Silva Ferreira s’attardera avec sa Fantaisie mineure dans cinq lieux du chef-lieu de la région.

Au programme déjà riche de la Biennale s’ajoute cette année Club Bingo, sous la direction de Rose-Amélie Da Cunha : sept soirées gratuites d’expression libre et alternative qui feront danser le public jusque tard dans la nuit. Parmi les autres événements qui enrichissent le programme, nous soulignons l’exposition Still Bodies aux Usines Fagor, lieu de rencontre entre la pratique de la danse et des médiums tels que la photographie, la vidéo et l’installation.

Biennale de la danse de Lyon
du 9 au 30 septembre 2023
Lieux divers – Lyon, Métropole, Région Auvergne-Rhône-Alpes

Programmation complète : labiennaledelyon.com