Corporalité et vocalisme

Événement transversal capable de creer des passerelles et des dialogues entre diverses formes culturelles, le Festival Sens Dessus Dessous celèbre cette année sa onzième édition et s’annonce comme un moment important de réflexion sur la relation entre la voix et le mouvement. Depuis toujours représentant un moment clé de la programmation de la mi-saison, le festival produit et conçu par la Maison de la danse apparaît cette année particulièrement organique

Le coup d’envoi du Festival Sens Dessus Dessous sera donné par Le Chœur de Fanny de Chaillé, œuvre qui se positionne à la croisée entre théâtre, danse, littérature et intimité. À travers l’évocation de moments personnels, d’événements sertis dans les plis de vies minuscules (pour reprendre un titre de Pierre Michon), Fanny de Chaillé et ses neuf compagnes et compagnons construisent des histoires où le positionnement corporel est constamment traversé par la parole et où l’aspect littéraire précipite dans la corporalité signifiante.

Les Subs accueilleront ensuite Les Délivrés d’Hélène Iratchet, une création pour trois interprètes qui sera présentée pour la première fois pendant le festival. Une performance électrique qui interroge le rapport entre l’humain et le transhumain, défiant le monde technologique et questionnant le respect des valeurs de l’humanité et des droits des travailleuses et des travailleurs.

Le 24 février, ce sera le tour du collectif lyonnais ÈS avec Fiasco, travail pour sept interprètes qui s’annonce comme un hymne au corps, célébré dans sa plus grande liberté expressive. À travers des juxtapositions et des croisements dissonants et contradictoires, Fiasco vise à représenter une tentative de solution dans le désaccord, le choc et la révolte.

Silvia Gribaudi présentera Grâces, pièce inspirée de la célèbre sculpture de Canova. La chorégraphe italienne décline la proposition du maître de Possagno en introduisant ce qui avait été banni de sa poétique : l’imperfection. Avec cette proposition provocante, Silvia Gribaudi affirme le mondain par opposition à l’idéal, ancrant sa proposition dans une corporéité sincère et vivante. Ironie et délicatesse aiguisent l’attrait d’une esthétique qui veut mettre à nu les stéréotypes afin de cultiver une liberté de mouvement enfouie.

Rares sont les artistes qui consacrent aujourd’hui leurs recherches à la relation entre la voix et la danse avec la radicalité que Flora Détraz est capable d’incarner. Après avoir subjugué le public lyonnais avec Muyte Maker à l’occasion de la Biennale de la danse 2018, la performeuse et chorégraphe versaillaise revient dans la ville rhônalpine avec Glottis dans lequel l’aspect vocal est poussé à l’extrême, constituant le guide qui accompagnera le fidèle spectateur à l’intérieur d’un voyage dantesque.

Après ses deux premiers solos, Nach se mesure, dans Elles disent (qui bénéficie également de la collaboration artistique de Flora Détraz), à une œuvre plus chorale. Des interprètes venant de chemins éloignés (krump, travail vocal, hip-hop, flamenco) croisent leurs existences et leurs esthétiques dans l’urgence de l’expression du féminin pluriel.

Le vendredi 3 mars Ineffable de Jann Gallois clôturera le Festival Sens Dessus Dessous par une unique représentation à la Maison de la danse. Le titre exprime clairement à la fois le rôle déclassifié du mot et l’impossibilité de toute traduction par le logos. Dans ce solo de 2021, Jann Gallois évolue sur scène, produisant synthèses et syncrétismes, tentant d’impossibles (ineffables ?) solutions entre langues et conceptions aux antipodes. Ici, la gestualité des mudras bouddhistes se croise à la danse manuelle du tutting typique du hip hop, tandis que la musique électronique se confronte aux musiques sacrées européennes et japonaises. La rencontre entre l’Occident et l’Orient prend dans Ineffable des valeurs nouvelles qui méritent d’être accueillies et questionnées en profondeur.

Festival Sens Dessus Dessous
Du lundi 20 mars au vendredi 3 mars 2023

Les spectacles :
Fanny de Chaillé, Le Chœur – Les 20 et 21 février à la Maison de la Danse

Hélène Iratchet, Les Délivrés – Du 21 au 24 février aux Subs

Collectif ÈS, Fiasco – Le 24 février à la Maison de la Danse

Silvia Gribaudi, Graces – Les 27 et 28 février à la Maison de la Danse

Flora Détraz, Glottis – Le 28 février au Théâtre de la Croix-Rousse

Nach, Elles disent – Les 2 et 3 mars au Théâtre de la Croix-Rousse

Jann Gallois, Ineffable – Le 3 mars à la Maison de la Danse

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